Rapport du Serzhant Piotr Eriskiev,18 juillet 1941
Suite à l' occupation de Lvov par l'avance blindée ennemie, nous avons dû replier l'escadrille sur Smolensk.
Comme les pertes ont été nombreuses, nous avons dû attendre un renfort de pilotes et d' avions pour redevenir opérationnel.
Notre mission est une couverture du front, à 10h00. Les nazis n'ont pas encore acheminé toutes leurs unités aériennes à la suite des blindés qui avancent chaque jour à la vitesse d' un cheval au galop, mais quelques unités "Jabos", des messers chargés de bombes, ont déjà été signalées.
Sans radio depuis que le Leytenant Smoriev s' est crashé sur Lvov avec le seul exemplaire équipé d' un émetteur, le briefing est assez long pour tenter de parer à toute éventualité.
Je suis assigné comme ailier du Leytenant Lav, la responsabilité du dispositif de six appareils étant dévolue au Kapitan Lazarev.
Après décollage en formation serrée par trois nous prenons de l'altitude et orbitons à proximité immédiate du front.
Lav est nerveux et ses écarts d' attitude et autres brusqueries de manche font qu' il est difficile à suivre tant les collisions menacent.
L' autre ailier, le Serzhant Loki, l'a bien compris et se tient légèrement en retrait, quoi que je sois tout de même en mesure de lire la tension sur son visage.
Après quelques orbites aux environs de Pshemyl je suis prêt à me résigner à ne pas rencontrer ces chiens de la Luftwaffe aujourd' hui quand, d' un coup, Lav multiplie les battements d'ailes avant de me faire signe de plonger à sa suite.
D' un seul coup c' est la bagarre, l'autre patrouille est déjà après une poignée de 109. Pendant quelques secondes étoiles rouges et croix noires dansent sur mon cockpit, je ne pense qu' à éviter une fatale collision.
J' ai bien évidemment lâché quelque peu mon leader mais je le surveille du coin de l'oeil qui observe la mêlée du dessus en se préparant à choisir sa cible, quand ma trajectoire est coupée par un mig, suivi de croix noires !
J' enchaîne immédiatement à leur suite dans un virage gauche à haut facteur de charge qui me voile à moitié la vue.
Le coeur revenu à sa place, le sang irriguant à nouveau parfaitement mon cerveau, j'entreprends de dégager mon camarade menacé par les 20mm du messer.
Las, j' ai l'impression de tirer des petits pois à 150m de distance, un tiers de mes balles parties et à peine quelques plaques de peinture ont été arrachées du 109.
Au moins le but est atteint, mon camarade est libre, et le 109 entreprend maintenant d' essayer de me faire passer devant. Le pilote a l'air d'un "experte" comme les nazis les appellent, et j' appréhende le moment où la manoeuvrabilité supérieure du 109 va lui permettre de braquer ses canons sur mon mig à la profondeur de plomb !
Je trimme l' appareil largement à cabrer pour garder un pilotage précis à basse vitesse, et entreprends d' user le pilote du 109. A chaque fois qu' il brûle un peu plus d' énergie pour passer derrière moi, je barrique vers le haut au lieu de suivre les ciseaux.
Il essaye parfois de m'aligner, mais il manque de vitesse et d'autres camarades sont venus en renfort qui placent une ou deux rafales sur ses ailes à chaque passage haute vitesse. j' espère quand même u' ils m'ont vu accroché aux basques du nazi, ce serait trop bête de se rentrer dedans alors u' il est à ma main !
L' inéluctable arrive enfin, une longue rafale placée à 70m me permet de faire fumer son moteur, et il n'a plus qu' à tenter de se poser sur la première route.
je survole le site d' atterrissage, et vérifie que l' avion est en territoire occupé par l'ennemi !
Pas de quartier pour l'occupant, les rumeurs sur les exactions de la Wermacht dans les territoires occupés ont déchaîné les nerfs des pilotes, et c'est trois mig qui straffent le 109 jusqu' à destruction complète, le pilote s' étant lui même mis à l'abri derrière un groupe de bouleaux.
Nous reprenons alors le chemin du retour, j'ai bien du mal à suivre le mig qui me précède, sans parler de me remettre en formation.
Soudain, j'aperçois une nouvelle mêlée derrière et en-dessous, près du terrain d' Obol.
Une rafale pour prévenir le mig que je suis, les traçantes l' alertent et il entame un virage. Je le guide vers la mêlée, mais nous n'arrivons que pour voir le Serzhant Skzitrov aborder un 109, les deux carcasses d' avions s' écrasant avec leurs pilotes en un fracas apocalyptique.
Nous repérons deux 109 garés sur un des parkings, sans même un camouflage, et nous les straffons copieusement jusqu' à destruction.
C' est enfin l'heure du retour, je reforme le Leytenant Lav, quand.... Le Serzhant Dimitriev, arrivant de la droite et ne semblant pas nous voir, percute lLav de plein fouet, précipitant les deux pilotes vers leur fin brutale.
Je maudis cette radio qui ne fonctionne pas, j'aurais pû les sauver moi qui les voyais tous les deux, si j'avais seulement pu les avertir....
Le retour en solitaire, l'estomac serré.
L' atterrissage et le roulage, anxieux d' être le seul Mig visible sur cette base... et enfin le soulagement de voir au moins Lazarev et Brievsky me rejoindre quelques minutes plus tard.
Cette nuit je boirai à la mémoire de Skzitrov, Lav et Dimitriev !
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