Bonne lecture les gars
09 juillet 1943, 04h30. Lentement le Kommodor Yoyo émerge de sa torpeur nocturne. Assis sur le bord de son lit, par la fenêtre du premier étage du petit hôtel El Camino de Raguse, il admire un instant le soleil levant dont les rayons commencent d'embraser l'horizon. Devant son bureau, il aperçoit sa paire de bottes fourrées, les mêmes depuis maintenant trois ans qu'il est entré dans la Luftwaffe. Sur le dossier de sa chaise, sa veste en cuir noir. Les parements dorés sont délavés et le cuir s'est éclairci aux jointures, seuls ses nouveaux galons de Major brillent sur ses épaules. A leur vue, il sourit gentiment.
-Arf quelle dérision, je les échangerais bien contre quelques pilotes de chasse et un ou deux de ces Me 109G6 avec nouveaux moteurs...
Il y a encore une année son uniforme resplendissait lorsqu'il s'était rendu au Reichstag pour recevoir sa nouvelle affectation à la tête de la I/JG27, la fameuse escadrille où la légende Jochen Marseille avait sévi. Aujourd'hui que restait-il de ce passé glorieux. Des 109G2 ou G6 usés jusqu'à la corde et quelques FW190 que le front de l'Est leur avait bien laissé. Alors que depuis l'autre côté de la Méditerranée les Anglais et les Américains intensifiaient leurs attaques sur la Sicile, les renforts arrivaient au compte goutte. Il y avait bien les Italiens, mais entre ce qu'ils étaient censés aligné et ce qu'ils alignaient réellement, il y avait un monde et sans parler de leur efficacité limitée. A l'origine, la I/JG27 avait pour mission, la couverture des bombardiers attaquant Malte mais ces diables d'Anglais tenaient bons. La Luftwaffe et la Regia Aeronotica s'étaient cassées les dents sur le tas de cailloux maltais et gozon. Depuis le printemps 1943 et l'arrivée massive des américains sur le front, les rôles s'étaient inversés. Ils passaient maintenant leur temps à intercepter les raids passant par le sud de l'Italie. Quelque chose se préparait, il le savait et il n'avait pas les moyens de défendre la Sicile, tout au plus une centaine de chasseur répartis à droite et à gauche.
Alors qu'il était en pleine réflexion, le Kommodor Yoyo se surpris attachant sa croix de chevalier autour de son cou. Il se ravisa et la rangea soigneusement dans une petite caissette sur son bureau.
Après s'être rapidement lavé, il descendit dans la salle à manger où l'attendait son second le Kapitan Benj. Les yeux bouffis, ce dernier n'avait pas bien dormi non plus et sirotait rêveur son café devant une tartine qui attendait d'être mangée.
- Alors Yoyo... tu as encore eux des nouvelles hier soir? Du nouveau pour les renforts?
- Négatif, toujours pas de réponse, commence de sérieusement m'énerver au RLM. Ils ne se rendent pas compte qu'on va bientôt avoir les commandos anglais et les Gi's sur le dos ici.
Le Kommodor bu son café d'un coup sec en grimaçant.
- Allez, on y va, les gars doivent déjà être prêts.
S'adressant à l'intendant:
- Sergent Krauss! Nous partons!
- Jawohl Herr Major! La voiture est prête.
Ils grimpèrent dans la Kubelwagen qui traversa les rues encore endormies de Raguse. Les deux pilotes admiraient comme chaque jour, la ville sicilienne pittoresque en terrasse au mélange d'architecture romaine et renaissance dont les maisons blanches et ocres resplendissaient dans le soleil qui montrait maintenant le haut de son disque incandescent illuminant toute la plaine s'étendant au pied de la citée. Un vent encore frais et entrecoupé du parfum émanant des milliers de fleurs des jardins d'une incroyable richesse florale, balayait le visage des deux officiers. Benj murmura:
- Belle journée pour mourir...
Bientôt la voiture s'arrêta devant les cabanons où étaient logés le personnel de la base. Devant la cantine, attendant leurs chefs, les pilotes palabraient doucement appuyés contre quelques tonneaux d'huile vide ou en fumant une cigarette. Leur arrivée marqua un terme à leur discussion. Au loin, les mécaniciens dégageaient les Bf109 de leurs filets de camouflage. Certains avec encore le capot moteur ou les trappes d'accès aux armes de bord, ouvertes. D'autres avaient leurs réservoirs reliés à un long flexible noir qui lui-même était raccordé à un tonneau et un pompe actionnée machinalement par un des soldats de l'entretien. Tous les gestes étaient automatique, les hommes parlaient peu, l'Adjudant Ergener responsable de l'équipe technique donnait des ordres brefs et précis. Les sourcils froncés, ils observaient les mécaniciens oeuvrant sur le 4 noir dont le moteur donnait des signes de fatigues inquiétant.
Le Kommodor Yoyo réuni ses hommes dans la salle de rapport.
- Bien Messieurs, aujourd'hui nous allons commencer par une patrouille de surveillance le long de la côte sud-est comme d'habitude. Je prends le Staffel 1. Le capitaine Benj prendra le relais à 09h00 avec le Staffel 2. St-Ex vous prenez le Rote 1 et Slider le n°2 ok. Nous aurons en couverture du secteur ouest, les 190 de la II/JG26. Il n'est pas impossible que nous les croisions, alors ne vous trompez pas ok! Démarrage moteurs à...
Il consulte sa montre...
- ...05h45, allez tous à vos avions.
Lentement et sans un mots, les pilotes désignés pour cette patrouille matinal marchent vers leur appareil. Les mécaniciens les attendent et les aident à s'installer dans le cockpit.
Dans les habitacles, des relents d'huile froide, de cordite et de cuir surchauffé.
le Feldweibel Deray test la lampe de son viseur et bientôt la croix jaune illumine le verre réflecteur. Il check son avion succinctement pendant que les mécaniciens attendent son signal pour enclencher la génératrice et faire tourner le démarreur. Alors qu'à l'autre bout de la piste le G6 de l'impatient Leutnant Jurg Fighter tourne déjà en cahotant, le Fwb Deray observe son tableau de bord. Contact principal allumé, bobine n°1 & 2 enclenchées, circuit de carburant mis en pression. Dans le petit écran, alors que l'aiguille tremblante de la pression monte, il positionne la commande d'entrée d'air en mode "einlasse". Ca y est, 4.5 atü, c'est bon on va pouvoir y aller. D'un geste de l'index tournoyant, il demande le démarrage. Instantanément le DB603 se met en route. Par la verrière ouverte, les gaz d'échappement encadrent de part et d'autre le fuselage, le maculant de quelques traînées d'huile supplémentaires. Le grondement sourd du puissant moteur envahit l'habitacle. En quelques minutes, les températures de roulage sont atteintes. Un oeil sur son leader, l'Oberleutnant Slider, le Fwb Deray attend l'ordre de démarrage. Alors que le premier Rote mené par le Major décolle, les appareils du deuxième rote s'alignent sur la piste. Cinq minutes plus tard, après deux tours de piste, la patrouille est constituée et les 12 109G6 prennent le cap de la mer. Laissant la terre aride et surchauffée en dessous d'eux, bientôt ils atteignent la côte à 5000 mètres. Le Leutnant St-Ex qui a ouvert les clapets d'aération apprécie avec délectation l'air frais qui rafraîchit les parties de son visage non couvertes par son masque à oxygène et ses lunettes de vol. Sous les ailes de son chasseur, défilent les plages paradisiaques aux bords frangés part la Méditerranée d'un vert émeraude dégradant sur un bleu qui au fur à mesure qu'il s'éloigne vers le large, devient plus profond. A chaque fois qu'il assiste à ce spectacle magnifique, le pilote allemand se surprend à rêver de paix et de vacances au cours desquelles il viendrait montrer ce coin de terre magnifique à sa petite famille restée en Bavière.
- Nom de Dieux! Regardez ça... c'est... c'est incroyable!
Malgré le silence radio imposé, il y a de quoi être surpris! L'éclat de voix émane d'un pilote, Yoyo ne sait pas lequel a crié, mais il a tout, sauf envie de l'engueuler, car avec ce qu'il aperçoit au large des côtes, il va y avoir des problèmes plus urgents à régler.
Des centaines de navires font route vers la Sicile et plus inquiétant de nombreuses petites croix brillantes dans le ciel volent à au moins 1000 mètres au-dessus d'eux...
- Merde des P47 américains!
- Ouai et des Spitfire là bas sur notre gauche, même altitude!
Les ordres fusent brefs et concis. Les 109 se mettent en formation de combat...
- Rote n° 2 sur les Spit, les autres avec moi! Hep les copains de la "26", si vous traînez dans le secteur rappliquez rapidement, on a un gros bordel à gérer ici.
- Ca va ici Rama, j't'entends glapir Yoyo, donnes-moi ta position? On arrive!
La suite dans quelques jours...
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