VMF-223
Journal du 2nd LT Mate, 26 Août 1942 :
Le temps est gris ce matin…… le ciel est bas, un vent traversier souffle de manière irrégulière sur la base…. Qu’il est loin le soleil de ma Californie natale…
Hier soir, pour nous avons fêté la réussite de la mission de sauvetage du 2nd LT PIMP. Nous avons arrosé les 2 victoires terrestres du 2nd LT ROGERS, ma première cible au sol détruite (un char !) et les 6 ground targets du Major CALDWELL ! Il est Incroyable !!!… Cet homme est sûrement aussi diplomate qu’un Pitbull mais quel Leader et quel pilote !
Je trouve qu’un Nose art représentant un Pitbull irait bien sur son avion car, comme les « Pit », il met du temps à mordre, mais une fois qu’il a mordu, il ne lâche plus….
Malheureusement, chaque mission apporte aussi son lot de malheur :
Les 2nd LT O’Ere et Prince ne sont pas rentrés hier. Pour aider à digérer ce coup dur nous avons bu… Beaucoup trop bu …. Un petit mal de tête sournois ne veut pas me lâcher depuis ce matin.
Je passe voir « la grenouille » (c’est ainsi que j’ai surnommé l’officier météo de service qui campe au rez de chaussé de Cactus Tower) pour prendre connaissance du dernier bulletin météo. Ce qu’il m’annonce n’est pas brillant …. Et ça ne va pas s’arranger pour le reste de la journée… Il va falloir s’attendre à une visibilité médiocre pour la mission de ce soir avec 5/10e de cumulus et des bancs de brume en dessous de 10,000ft réduisant fortement la visibilité….
Le briefing d’aujourd’hui a été très succinct : Aujourd’hui nous avons rendez vous avec un groupe de C-47 pour les escorter. Notre rendez vous est à 9000 ft au dessus des secteurs BJ42 & BJ43. Décollage en deux box. Je ne sais pas qui est la vieille baderne de Général qui a décidé des paramètres de cette mission, mais il a fixé le rendez vous en plein dans la purée de poids. Si nous les trouvons, nous aurons vraiment de la chance !
Bon…. Il faut y aller maintenant. La visite pré-vol est terminée, tout est OK, mon mécano a, comme d’habitude, bien bichonné « sa » machine. Il m’aide à me brêler. Je lui fait une confiance infinie : tous les jours je met ma vie entre ses mains. Il le sait un peu trop d’ailleurs et en abuse souvent lors des tournées de bière au mess !
Check visuel du plein débattement des gouvernes et des Volets… OK.
Contacts sur ON : OK
Magnétos sur « Both », je lance la rituelle phrase du : « personne devant ? » ….OK….
Au « TOP » de Leader Alpha, nous pressons tous ensemble nos démarreurs.
Nos P&W s’ébranlent dans un bruit assourdissant, crachant force flammes et volutes de fumée. « Top Roulage » : ça y’est c’est parti…. Il va falloir encore se frapper les 500 m de roulage sur un terrain qui a été défoncé par les bombes japonaises et re-préparé à la hâte par nos équipes du Génie…. C’est déjà une épreuve pour le « bleu » que je suis.
Le Box du Major est prêt à décoller alors que je n’ai pas encore atteint le taxiway. Les voilà déjà en l’air. Soudain un bruit de métal déchiré : C’est le leader du groupe 2 qui vient de casser son train d’atterrissage et de partir en cheval de bois ! Ça commence bien…
Le 2nd LT Campbell prend instantanément le Lead du second box et décolle. Je ne réussi pas à m’aligner du premier coup à cause du vent. Mon décollage est bien approximatif.
Je m’aligne au cap initial et cherche mon leader sans succès. Le soleil de face ne me facilite pas la tache. Trop de distance nous sépare déjà sûrement, je dois rompre le silence radio pour prendre les consignes de vol me permettant de le rejoindre. Quelques minutes plus tard nous étions regroupé à 4000 ft au dessus de la cote. On ne voit pas grand-chose et toute mon attention est nécessaire pour ne pas le perdre de vue. J’ai repéré un contact haut nous croisant dans les 1 heure mais impossible de l’identifier.
J’ai eu l’impression de voler dans du coton une bonne partie de la mission.
Soudain une pensée m’effleure : Où suis-je ? Je ne sais plus…. Impossible d’arriver à me repérer avec cette couche de crasse qui masque le sol. C’est mon deuxième vol au dessus de cette région qui m’est encore étrangère. Tant pis, le leader est un excellent navigateur. Je vais me concentrer sur le repérage des C-47 ou de contacts hostiles.
Le coucher de soleil au dessus de la couche est magnifique vu de 14,000 ft !
Soudain la voie de «Cactus Tower» me sort de ma contemplation : Les C-47 sont attaqués !
Un rapide coup d’œil autours de moi, pas de tirs en vue. Il faut se rendre à l’évidence : nous avons raté les C-47 et ils sont entrain de le payer !
Les choses s’accélèrent. Le Major nous donne une série de caps à suivre pour essayer de rejoindre les C-47 sur leur plan de vol théorique.
Le 2nd LT Teksavrie (CARTOON) qui effectuait un retour base solo nous informe de l’arrivée imminente d’un raid de bombardiers Japonais sur notre base. Il les a croisé et estime à 10 minutes leur Temps sur objectif. Damn ! Nous n’aurons jamais le temps de les intercepter à temps!
Le Major nous donne un cap pour les coincer sur leur chemin de retour.
Nous voyons au loin les lueurs des tirs de DCA de notre base…. Encore de nouveaux trous en perspective sur notre terrain…. J’espère que la piste sera encore praticable à note retour.
D’un coup la radio se met à hurler : Contacts multiples, 11h, bas…. 9 contacts signalés !
La température monte, l’adrénaline aussi !
Mon inexpérience au combat me pèse…. Surtout ne pas oublier la règle d’or : « on ne lâche pas son partenaire », j’essaie de coller les 6 de Campbell du mieux que je peux.
A peine le temps d’ajuster mon radiateur et mon pas d’hélice que le Major Caldwell annonce déjà un premier kill sur un Jap. Campbell part en piqué prononcé et engage une passe sur un Zero. Je reste collé à lui en couverture. Surtout ne pas s’engager en combat tournoyant avec les Zero. Prendre de la vitesse, attaquer et filer se remettre en position haute pour recommencer. Quelques dizaines de secondes plus tard, je vois l’aile du Zero que poursuivait Campbell se détacher ! Entre temps une paire d’autre gars annoncent des Kills.
Tout s’est passé très vite, les Japs survivants prennent la fuite. Nous, nous retournons à la base.
Je me croyais tranquille lorsqu’en vent arrière je m’aperçois que mon train ne veut pas sortir !
Je sort de la formation en ligne pour vérifier ce qui se passe : la manivelle est bloquée !
Après un bref instant de stress, j’arrive enfin à la manœuvrer correctement.
Je refais une seconde approche. Je ne connais pas encore très bien ma monture et j’ai du mal à évaluer la force du vent a sol. La manche à air a été détruite par le bombardement des Japonais. Je me présente un peu trop haut sur ma finale. Je suis accaparé à rattraper mon plan de descente et en oublie de surveiller ma vitesse…. L’atterrissage fut ….très ferme … Un vrai atterrissage de Colonel » : au moins 3 rebonds qui ont fini en cheval de bois sur la piste.
Pas très glorieuse ma fin de mission …
Sans parler du fait qu’Oncle SAM va sûrement râler car je viens de lui casser un appareil de plusieurs centaines de milliers de ses précieux dollars. Enfin… un ami de la communauté japonais de L.A. me disait avant la guerre « dans chaque chose négative il y a un coté positif » je suppose que c’est vrai. J’ai détruit mon avion à l’atterrissage mais j’ai survécu à cette nouvelle mission et en plus…. Je vais sûrement avoir droit à une mise en observation à l’hôpital et … aux visites de nos charmantes infirmières !